Les anecdotes du parking

Le problème au Laser, c'est que y'avait toujours deux trois rigolos qui se vantaient de leurs Ferrari.

Ils avaient vus Miami Vice, ils avaient vus Don Johnson, alors forcément, ces baratineurs voulaient une Ferrari.

Puis surtout, il y avait LE baratineur. Celui-là était un champion toutes catégories. Le poid-lourd de la connerie servie sur un plateau.

Mais c'était surtout un sacré couillon ! Combien de fois nous a t'il dit autour de quelques Tequilla Sunrise "Mais de toute façon, j'irais la chercher aux USA, c'est moins cher et c'est des vrais professionnels !"

Alors nous on rigolait. Et on se resservait des verres. Autant vous dire qu'on a pas rigolé longtemps. ( Mais beaucoup après ! )

Fut un mercredi soir, même endroit … Le bar venait d'ouvrir mais comme on était des habitués, nous y étions déjà depuis une bonne heure. On avait pas encore mis la musique, si ce n'est un petit fond sonore de funk …

N. était comme d'habitude en train de polir un verre avec son torchon, tentant vainement nous expliquer pourquoi il gagnerait en reprises en installant des injecteurs de Senator, R. finissait de détailler on ne sait quelle route pour aller dans une casse, V. buvait ses paroles, priant à chaque fois pouvoir trouver des pièces pour sa Golf "Campaign" … et moi, j'étais en train d'inspecter mon verre de Daytona Thunder, ruminant mes négociations infructueuses avec mon agent Renault, pour obtenir un rabais sur une V6 Turbo …

Fraichement lancée pour remplacer les R30, il m'en fallait une. Mais bon …

Sur ce, j'ai pu voir N. se redresser l'air attentif. Je connaissait ce regard, je le connaissait bien le saligaud … Y'a un moteur qu'arrive, c'est obligé.

Et effectivement, quelques secondes après, nous est venu aux oreilles un bruit. Mais pas n'importe quel bruit … Ca résonnait, c'était métalique …

"Encore un débile qui fait sonner son Devil sur la corniche, ça"
"Ta gueule, on écoute."

Ca venait vite, ça venait fort.

"Mais c'est que ça fait un bruit fou !"
"Mais tait-toi on t'as dit, bordel …"

On était là comme 4 cons, à guetter au travers des baies vitrées du bar, la voiture qui allait enfin se montrer après s'être fait entendre.

"Putain, c'est un coupé !" lança N. en ayant aperçu au loin la silhouette d'un truc argenté, ou doré … Il n'en fallu pas plus longtemps pour voir arriver et se jeter sur les graviers du parking ( manquant au passage de m'arracher l'arrière de ma 505 Turbo … ) une rutilante, Ferrari. 365. Spider.

Ah ouais. Ben on rigolait plus là, on était tous les yeux écarquillés, à se lancer des regards. Puis N. a posé son verre et on est tous sorti en trombe. Ah bah oui, y'avait pas à se tromper, c'était notre blaireau …

V. sautillait tout autour de la bagnole. N. en faisait plus ou moins de même en assomant notre type de questions. R. et moi ? On s'est planté devant la bagnole, et on s'est posé des questions.

Certes l'auto était kittée. ( Déjà un sacrilège en soit … ) Certes y'a deux pauvres Cibiés qui n'allaient pas avec. Certes elle était bien dorée métallisée. ( Blasphème des blasphèmes ! ) D'accord elle était un peu remise au gout du jour, mais y'avait toujours un truc qui n'allait pas …

"Ce serait pas les jan …"
"Naaan …"

Et c'est là que ça a fait tilt.

"Et si c'était les proportions ?"

Bingo, ça n'allait pas, y'avait un truc trop équilibré et trop large avec cette auto. Pourtant tout était là, l'intérieur correspondait ... ( A part le volant, mais monsieur nous dit ne pas aimer les volant trop grands. )

Puis mon compagnon de doutes, lui demanda d'ouvrir le capot. On a bien connu des 250 GTO sur base de Celica, dans le coin … Mais c'était il y a longtemps.

Sauf que le compte y était. Je veux dire que y'avait bien 12 cylindres, enfermés sous une culasse à 24 soupapes, 4 arbres à cames, 6 Weber, et deux culasses rouges.

Putain, de merde. "Bon bah il l'a fait les gars !" s'écriait mon pote R. Sauf que pour moi, y'a toujours quelque chose qui n'allait pas … Puis j'ai posé mes yeux sur un tube de section carrée. Le genre profilé creux, environ 15x15 … Je me mis à passer en revue la totalité des spécifications techniques des Ferrari, dans ma tète, certes pas aidé par le Daytona Thunder d'avant …

"Putain y s'est fait enfler !!!" Je regardais mes compères tomber des nues comme si je venait d'annoncer la fin du monde …

C'était ça. Notre bonhomme, venait tout simplement de dépenser une fortune dans l'achat d'une Chevrolet Corvette, recouverte d'un kit polyester singeant une Daytona.

Mais un truc bien fait quoi … Rien que le moteur valait une fortune, ce n'était pas fait par des amateurs ! Toute la superstructure de la Corvette était masquée, si ce n'est ce bout de profilé industriel, qui sevrait à décaler un ancrage moteur. ( Ben c'est que forcément, 12 au lieu de 4 … )

Aujourd'hui je ne sais plus combien il nous avoua avoir dépenser, et au fond j'm'en fout, mais quand même … Autant de blé pour du polyester … D'autant que je sache, il ne fit jamais les papiers, dépité d'apprendre que sa Ferrari était une Corvette. Au fond, c'était aussi un peu de mégalomanie, il arborait sa plaque américaine fièrement, genre "Moi je l'ai fait, j'y suis allé …" Ca ne nous empêcha pas de le voir souvent. Uniquement au volant de la "Cortona" ou Daytovette" comme on disait, garée avec les autres.

L'américain qu'on l'a appelé ensuite ! Et bien le seul du bar à régler des notes de 200 dollars …

A.