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Les nuits Niçoises.

par discothequelelaser06 12 Janvier 1987, 22:20 Texte

Ah, les aventures qui ne nous sont pas arrivées...On ne compte plus les rencontres improbables causées par l'alcool, les voitures, la musiques ou les trois réunies. Alors qu'on discutait avec "R. l'Alsacien" (qui n'en est pas un), ce dernier me demanda si je me souvenais de notre première rencontre. Un peu que je m'en souviens, entre deux verres de jaune, trois olives et une vague odeur de cambouis. Il se mit alors à me ressortir les moindres détails de cette introduction rocambolesque sur fond d'Alfetta, et quand il conte une histoire, R, et bien on l'écoute.

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"Ah, Nice. Un dégradé azur métallisé embrasse l’horizon crépusculaire et méditerranéen. Rencart au « Laser ». Moi qui ai horreur des boites de nuit. Après cinq heures de Boxer hurlant, les tympans congestionnés comme des escalopes trop cuites, fallait encore que j’aille me tamponner du Cindy Lauper à fond dans le melon. Il me fallait aussi un paquet de Marigny. Je sentais qu’on allait boire et fumer. Puis c’était pas à Nice mais à Roquebrune-Cap-Martin, vers Monaco et j’avais pas même une liquette.

Je trouvai enfin le « Laser », en suivant une Ascona toute blanche avec des rideaux représentant des palmiers sur une plage tropicale peints à l’aérographe, présumant judicieusement de sa destination, où le vaste parking offrait à contempler les meilleures caisses d’asticot du moment, de la 205 GTi, la nouvelle avec les clignotants blanc reçue pour le permis, des Scirocco et des Sprint Balocco et dans l’ombre, des miséreux en R12 faisandée ou bien la valetaille des 104 et des Acendouzes. Je me garai entre deux eaux, entre chien et loup, la nuit tombe lentement par ici, je m’en allumai une dernière, le capot bouillant et la caisse qui faisait tic tic de partout, toute dilatée qu’elle était, partante jusqu’à Gibraltar s’il le fallait. Ah, voilà Monique et sa 205 Green pleine de cassettes de Madonna, ça doit être la fille du maire, tout le monde la connaît, tout le monde la reluque comme si elle revenait de Tchernobyl et tout le monde se fait trois bises. Semblerait que son cul tendu sous un jeans blanc recueille la majorité absolue. Moi, les blondes avec un brushing aux carraghénanes ça ne m’a jamais spécialement attiré mais là j’y peux rien, on est en plein dedans.

J’avais rendez-vous avec trois ou quatre voire cinq bonhommes. Aucune idée de combien ils comptaient être. Ils me promirent une Alfetta de 83 avec des phares ronds dénichée à un saut de puce de là, « au pays de l’alcool pas cher » m’avait dit mon contact. Même si au « Laser » il était beaucoup plus cher, ils en avaient consommé pas mal lorsque je les localisai, crampés au bar à raconter qu’ils prenaient 170 dans le tunnel de l’Escagouflette.
-Moi je vous prends dans n’importe quel tunnel et quand vous voulez.
Quatre visages et deux fois plus d’yeux convergèrent lourdement sur moi tandis que l’Italo-Disco s’époumonait par delà les cyprès et même l’univers entier.
-Dis voir, lardon, ça s’adressait à nous ce que je viens d’entendre ?
Il y’avait là un jeu de clés de Porsche. J’eus une suée. Une clé plate. Aha. Une clé plate toute simple. Pas une grosse clé avec un gros bouton au milieu. Ouf.
Ainsi qu’un jeu de clés de Golf GTi blanche à phares carrés et un jeu de clés d’Acendouze. Ceux là, no problemo.

-Je viens pour l’Alfetta.
-Mmh ok, c’est bien ça. Et tu comptes nous prendre sous l’Escagouflette si j’ai bien compris ?
-En premier lieu, je viens régler un petit souci syntaxique.
-Ah ?
-Oui. L’Italie n’est pas le pays de l’alcool pas cher. En Italie, couzèng, le vin, plus il est bon, plus il est cher. J’ai d’ailleurs apporté une petite bouteille de Nero d’Avola à 350 Francs qu’on va boire ici tranquillement avant d’aller voir cette Alfetta.

Le tenancier s’interposa en s’offusquant que l’on se comportât comme dans une auberge espagnole mais N, mon contact, l’homme à la Porsche, lui fit signe que c’était bon.
-Vous êtes le boss ?
-Oui.
-J’ai aussi amené du saucisson. Il est bien frais, il est resté accroché au béquet de ma caisse tout le trajet.
-Un béquet ?
Ils rirent. Celui du fond intervint :
-Mais un béqueeeeeeet c’est pour les plouuuuuucs ! Avec un cx d’Audi t’as pas besoin de béquet, c’est quoi ta chiotte, une Zastava ?
-Il est où, votre tunnel ?

Nous quittâmes le « Laser » épongés d’alcools variés. Transis de gamma GT. Blindés de toxines qui font voir flou. Dehors, ça burnait en E21 large et basse qui brille avec du Prince dans le Pioneer à cristaux liquides. N se glissa dans sa 924 à liserés, V dans sa Golf Gti à phares carrés et M dans son Acendouze à oscars ventrus.

Il me fallait juste un gros quart d’heure de temps de chauffe. Vingt petites minutes avant de prendre 185 sous l’Escagouflette et de les pourrir tous bon dieu. J’en suis même pas sorti. Plus de phares, plus de bloc combinés, plus de manos affolés. Plus de jus. Plus de fluide, plus d’étincelle, plus de tours. Saloperie de bagnole italienne. La 924 s’envola, la GTi aussi avec l’Acendouze dans l’aspi comme trois coureurs cyclistes à bloc portés par la bourrasque cong.

Et ces salopiots, ils ne m’ont jamais vendu d’Alfetta, ils se sont tirés comme des garnements par delà l’éclairage iodé du tunnel. J’ai fini la nuit tout seul et lendemaindecuité sur un siège skaï de Saviem SG2 en me promettant de revenir leur mettre leur mère. Même vingt ans plus tard s’il le fallait. Cong !"

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N.

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